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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol14.djvu/361

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Kostiline, de frayeur, s’était laissé tomber à terre.

Jiline se mit à rire et lui cria :

— C’est un cerf !… c’est un cerf !… Entends-tu quel vacarme il fait avec ses bois ? Nous avons peur de lui, et lui a peur de nous.

Ils poursuivirent leur route. L’aube commençait à poindre, le jour était proche. Étaient-ils bien dans la direction du camp russe, c’est ce qu’ils ne pouvaient savoir. Jiline croyait reconnaître cette même route par laquelle on l’avait amené, et estimait qu’il y avait à peu près dix verstes jusqu’au camp russe ; mais il n’avait pas d’indice sûr, et, la nuit, il est très difficile de bien se rendre compte.

Enfin, ils trouvèrent une clairière. Kostiline s’assit et dit :

— Fais comme tu voudras, mais je n’irai pas plus loin. Mes jambes n’en peuvent plus.

Jiline l’exhorta.

— Non, reprit-il, je ne puis plus… je ne puis plus…

Alors Jiline se fâcha, cracha, et l’injuria.

— Eh bien ! je pars seul. Adieu !

Kostiline se leva vivement et marcha.

Ils firent encore quatre verstes. Le brouillard s’était épaissi. On ne distinguait plus rien, et les étoiles étaient à peine visibles.

Soudain, ils entendirent devant eux le pas d’un cheval ; les sabots frappaient sur les pierres. Jiline se coucha sur le sol et écouta.