Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol14.djvu/443

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draie ; son ombre étouffait les noisetiers. J’hésitai longtemps à le couper ; cela me serrait le cœur, le putiet croissait non en arbuste, mais en arbre, il avait environ trois verchoks d’épaisseur et quatre sagènes[1] de hauteur ; il était fourchu, touffu, et tout couvert de fleurs blanches, brillantes et odorantes. Son parfum embaumait au loin.

— « Non, dis-je, je ne le couperai pas ! »

Mais l’un des ouvriers (à qui j’avais dit auparavant de couper le putiet) se mit à la besogne en mon absence.

Quand je revins, l’arbre avait déjà une entaille d’un verchok et demi et sa sève jaillissait sous la cognée, à chaque coup frappé dans l’entaille.

— « Il n’y a rien à faire. C’était évidemment sa destinée, pensai-je. »

Et moi-même, prenant une hache, je me mis à frapper avec le paysan. Toute besogne est joyeuse à besogner. C’est un plaisir même d’abattre un arbre. C’est un plaisir d’entrer profondément la hache en travers, et de tailler ensuite tout droit, et de planter sa cognée en plein tronc, plus loin, toujours plus loin.

J’avais complètement oublié le putiet et ne songeais qu’à l’abattre plus vite. Quand je fus hors d’haleine, je déposai ma hache, et, le paysan et moi, nous nous arc-boutâmes contre l’arbre, es-

  1. La sagène vaut 2m 134mm.