Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol14.djvu/453

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de sable. Alors Soukhman demanda au fleuve Dniéper :

— « Fleuve, pourquoi es-tu ainsi ? Ton aspect n’est plus celui de jadis, ton eau est souillée de sable ! »

Et le fleuve Dniéper lui répondit :

— « Mon aspect n’est plus celui d’autrefois parce que derrière moi, fleuve Dniéper, arrivent quarante mille méchants Tatars qui construisent des ponts du matin au soir, et ce qu’ils font le jour, je l’emporte la nuit. Mais je n’en puis plus ! »

Alors Soukhman prononça les paroles suivantes :

— « Où serait mon honneur de chevalier si je ne mesurais pas mon courage avec la force tatare ! »

Et il lança son bon coursier : il traversa le fleuve Dniéper sans mouiller les sabots de son cheval. Soukhman courut près d’un vieux chêne, d’un vieux chêne tout rabougri. Il arracha l’arbre et ses racines. Un suc blanc coula du chêne. Il prit le chêne comme un gourdin, et lança son cheval contre les Tatars. Soukhman tournait, retournait, levant et abaissant son gourdin. Quand il frappait en avant, il perçait toute une rue et, en arrière, il faisait une ruelle, et Odikhmantiévitch écrasa ainsi tous les Tatars. Seuls, trois jeunes Tatars s’enfuirent dans les arbustes, sous les ormes. Ils se cachèrent au bord du Dniéper. Soukhman s’approcha du fleuve, et de leur cachette, les trois Tatars lui lancèrent trois