Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/489

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tout joyeux, et sa bonne humeur s’accrut quand il trouva Kitty tout à fait remise.

La princesse lui apprit l’amitié de Kitty avec madame Stahl et Varenka, et lui parla du changement qui s’accomplissait en elle. Le prince en fut ennuyé et tout cela excita en lui le sentiment habituel de jalousie pour tout ce qui éloignait sa fille de lui et pouvait diminuer son influence sur elle. Mais ces nouvelles désagréables étaient noyées dans sa joie et sa gaîté habituelles qui s’avivaient encore aux eaux de Karlsbad.

Le lendemain de son arrivée, le prince, en long pardessus, le visage ridé à la russe, les joues relevées par un col empesé, l’humeur excellente, partit à la source avec sa fille. La matinée était belle, les maisons gaies, propres, avec leurs jardinets ; la vue des femmes allemandes aux visages et aux mains rouges, imbibées de bière, qui travaillaient gaîment, et le soleil clair, réjouissaient son âme ; mais plus il s’approchait de la source, plus les malades devenaient nombreux et leur aspect semblait encore plus triste au milieu du confortable habituel de la vie allemande. Kitty n’était plus frappée de ce contraste. Le soleil clair, l’éclat joyeux de la verdure, les sons de la musique, étaient pour elle le cadre habituel de tous ces visages connus et des changements en mieux ou en pire qu’elle suivait. Mais pour le prince, la lumière et l’éclat de cette matinée de juin, les sons de l’or-