Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/177

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s’allongeaient obliquement ; tout cet admirable paysage semblait être l’œuvre fraîchement achevée de quelque peintre habile.

— Plus vite ! cria Vronskï, et se penchant à la portière, il sortit de sa poche un billet de trois roubles et le donna au cocher qui justement se retournait. L’homme toucha de la main quelque chose près de la lanterne, fit claquer son fouet et aussitôt la voiture roula rapidement sur la chaussée.

« Vraiment je suis satisfait de mon sort ! » pensait-il, et machinalement il regardait le bouton de la sonnette placé entre les deux vitres ; en lui-même il se représentait Anna telle qu’il l’avait vue la dernière fois. « Plus je vais, plus je l’aime ». Ah ! voilà le jardin de la villa Vrédé. Où peut-elle bien être ? Comment se fait-il qu’elle soit ici ? Pourquoi m’a-t-elle donné rendez vous en cet endroit et pourquoi m’écrit-elle sur la lettre de Betsy ? »

Ces questions, qu’il n’avait pas songé à se poser auparavant, affluaient subitement à son esprit, mais il était un peu tard pour y penser. Il arrêta le cocher avant d’atteindre l’avenue et, ouvrant la portière, sauta de la voiture encore en marche ; il prit alors l’avenue qui conduisait à la maison. Il ne vit personne, tout d’abord ; mais en regardant à droite, il aperçut celle qu’il cherchait. Son visage était couvert d’une voilette, mais il lui fut facile de la reconnaître à sa démarche particulière ainsi qu’au