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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/395

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toujours la même… Mais en moi il y a une autre femme dont j’ai peur, c’est elle qui en a aimé un autre, et j’ai voulu te haïr, mais je n’ai pu oublier celle qui existait auparavant. L’autre n’est pas moi. Maintenant, je suis la vraie. Je vais mourir, je le sais. Demande-le-lui, je sens maintenant ce poids qui me pèse sur les jambes, sur les bras, sur les doigts ; mes doigts, oh ! comme ils sont énormes… Mais tout cela finira bientôt… Une seule chose m’est désormais nécessaire : ton pardon, ton pardon tout entier. Je suis horriblement coupable, mais la vieille bonne m’a dit que la sainte martyre… quel est donc son nom ? était encore pire que moi… Et moi, j’irai à Rome, il y a là-bas un désert, et alors je ne gênerai personne. Seulement, j’emmènerai avec moi Serge et ma petite fille… Non, tu ne peux pas pardonner. Je sais qu’on ne peut pas pardonner cela. Non, non, va-t’en, tu es trop bon !

D’une de ses mains brûlantes, elle lui retenait le bras, et de l’autre le repoussait.

Le malaise moral d’Alexis Alexandrovitch grandissait toujours, déjà même il avait atteint un tel degré, qu’il cessait de lutter contre lui. Il sentit tout d’un coup que ce qu’il regardait comme un trouble moral était au contraire un heureux état d’âme, qui lui donnait soudain un bonheur comme il n’en avait encore jamais éprouvé. Il ne pensait pas que cette loi chrétienne à laquelle, toute sa vie