Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/75

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vage, et si vous avez besoin de mes conseils, je suis tout à votre service.

— Oh ! non, dit Dolly. Au commencement, j’ai eu bien des tracas, mais maintenant tout est arrangé, grâce à ma vieille bonne, dit-elle en désignant Maria Philémonovna qui, comprenant qu’on parlait d’elle, sourit gaiement et amicalement à Lévine. Elle le connaissait déjà, savait que c’était un bon parti pour la demoiselle et désirait que tout s’arrangeât.

— Veuillez vous asseoir ; nous nous serrerons un peu, lui dit-elle.

— Merci, j’irai à pied. Enfants ! qui veut courir avec moi pour dépasser les chevaux ?

Les enfants connaissaient peu Lévine, ils ne se rappelaient plus bien quand ils l’avaient vu, mais ils ne montraient pas envers lui ce sentiment étrange, de gêne et de répulsion, qu’éprouvent en général leurs semblables à l’égard des grandes personnes dont l’allure leur semble feinte, ce qui constitue pour eux une cause fréquente de réprimandes. L’hypocrisie, quelle qu’elle soit, peut quelquefois échapper à l’homme le plus intelligent et le plus perspicace, mais l’enfant, le plus borné, la reconnaît sans peine, si habilement dissimulée qu’elle soit, et s’en détourne. Or, Lévine, sans être pour cela plus parfait qu’un autre, était la franchise même, c’est pourquoi les enfants lui témoignaient une amitié au moins égale à celle qu’ils