Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/95

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première fois, probablement sous l’impression que lui avait causée l’attitude d’Ivan Parménov et de sa jeune femme, il comprit clairement qu’il dépendait de lui seul de transformer cette vie oisive, factice et égoïste qui lui était si pénible en une vie noble et pure de travail en commun.

Le vieux qui était assis à côté de lui s’en était allé depuis longtemps ; les gens s’étaient dispersés. Ceux des villages voisins étaient partis chez eux ; ceux qui étaient de plus loin s’étaient réunis pour souper et coucher dans la prairie.

Lévine, que n’avaient pas remarqué les paysans, restait couché sur la meule, il observait, écoutait et réfléchissait.

Les paysans qui s’étaient installés dans la prairie dormirent à peine par cette courte nuit d’été. D’abord, pendant le souper, ils eurent une conversation générale, joyeuse et entrecoupée d’éclats de rires, puis, de nouveau, ils entonnèrent des chansons et les rires reprirent de plus belle.

Toute cette longue journée de travail n’avait laissé en eux d’autre trace que de la gaîté. Un peu avant l’aube, tout devint silencieux ; seul le bruit des grenouilles qui coassaient dans la mare et des chevaux qui s’ébrouaient dans la prairie, s’entendait dans le brouillard matinal. Quand Lévine s’éveilla, il se leva de la meule où il était couché, et, regardant les étoiles, il comprit que la nuit était passée.