Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol17.djvu/260

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— Pas comme feu Nikolenka… Vous vous aimiez. Pourquoi ne pas le dire ? ajouta-t-il. Parfois je me fais des reproches ; nous finirons par l’oublier. Ah ! quel homme terrible et charmant !… Oui. Que disions-nous ? reprit Lévine après un court silence.

— Tu disais qu’il ne pouvait tomber amoureux, dit Kitty exprimant à sa façon l’idée de son mari.

— Je ne dis pas cela, fit en souriant Lévine, mais il n’a pas la faiblesse qui est nécessaire… Je l’ai toujours envié, et je l’envie encore malgré mon bonheur.

— Tu l’envies de ne pouvoir être amoureux ?

— Je l’envie d’être meilleur que moi, répondit Lévine en souriant. Sa vie n’a rien d’égoïste. Toute sa vie est subordonnée au devoir, c’est pourquoi il peut être heureux et tranquille.

— Et toi ? dit Kitty avec un sourire à la fois railleur et tendre.

Elle n’aurait pu expliquer la marche des idées qui la faisaient sourire, mais sa conclusion était que son mari qui admirait tant son frère et s’humiliait devant lui n’était pas sincère. Kitty savait que ce manque de franchise provenait de l’amour de son mari pour son frère, d’une sorte de gêne pour son trop grand bonheur et surtout de son désir obstiné d’être meilleur. Elle aimait ces traits en lui, et c’est pourquoi elle souriait.