Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol18.djvu/74

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Elle demanda à Lévine et à Vorkouiev de passer au salon, et elle-même resta à causer avec son frère. « Du divorce, de Vronskï, de ce qu’il fait au cercle, de moi ? » pensait Lévine ; et il était si ému à la pensée de ce qu’elle pouvait dire à Stépan Arkadiévitch qu’il n’entendit pas ce que lui disait Vorkouiev des grandes qualités du roman écrit par Anna Arkadievna pour les enfants.

Pendant le thé, la conversation se poursuivit, également intéressante et agréable. Non seulement il n’était pas nécessaire de chercher des sujets de conversation, mais on sentait qu’on n’avait pas assez de temps pour dire tout ce qu’on voulait et qu’on se retenait malgré soi pour écouter l’autre. Et tout ce qu’ils disaient, non seulement Anna, mais Vorkouiev, et Stépan Arkadiévitch, tout, prenait pour Lévine, grâce à son attention et à ses observations, une signification particulière.

Tout en écoutant la conversation, Lévine ne cessait d’admirer sa beauté, son instruction, et en même temps sa simplicité et sa bonté. Il écoutait, et tout le temps ne pensait qu’à elle, à sa vie intérieure, tâchant de deviner ses sentiments. Lui qui, auparavant, la jugeait si sévèrement, maintenant, par une étrange association d’idées, la justifiait et en même temps la plaignait, et il craignait que Vronskï ne sût pas la comprendre.

À onze heures, quand Stépan Arkadiévitch se