Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol19.djvu/208

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Les paysans se concertèrent jusqu’à l’arrivée du gérant. Il parut à cheval et chercha noise aux ouvriers parce qu’ils ne taillaient pas les arbres comme il l’entendait. Dans les tas de branches coupées, il découvrit un petit tilleul.

— Je n’ai pas ordonné de couper les tilleuls ! fit-il. Qui a fait cela ? Avouez ou je fouette tout le monde.

Il se mit à chercher dans quelle rangée se trouvait ce tilleul.

On lui dénonça Sidor. Le gérant le frappa au visage si violemment que le sang jaillit. Il en fit autant à Vassili, sous prétexte que son tas n’était pas assez gros ; et il partit.

Le soir, les paysans se réunirent encore et Vassili parla :

— Eh bien ! vous autres, Vous n’êtes pas des hommes, mais des moineaux. Vous avez crié : — « Nous allons lui faire son affaire ! » et le moment venu, vous vous dérobez. C’est ainsi que les moineaux se réunissent contre le milan : « Point de lâcheté, point de défection ! » Et quand il arrive, tous disparaissent dans les orties. Alors le milan vient, prend ce qu’il veut et l’emporte. Les moineaux reparaissent : « Couic… couic… » Il en manque un. — « Qui manque ? Ivan. Tant pis, c’est bien fait. » C’est comme vous. Quand on ne veut pas reculer, on ne recule pas. Quand il a pris Sidor, il fallait s’approcher et en finir. Mais vous : « Point