Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol19.djvu/266

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cher et livrait au jour dit. S’il peut livrer le jour convenu, il prend le travail ; sinon, il ne trompe pas, il le dit d’avance. Et tous connaissaient Avdieitch et l’ouvrage ne manquait pas.

De tout temps, Avdieitch s’était montré bon garçon. Mais avec l’âge, il se mit à songer davantage à son âme et à se rapprocher de Dieu. Il travaillait encore chez un patron quand sa femme était morte, lui laissant un petit garçon de trois ans. Les autres, les aînés, il les avait perdus avant. D’abord, il voulut envoyer son fils chez sa sœur, à la campagne. Puis il eut pitié et pensa : « Ça lui serait trop dur, à mon petit Kapitocha, de vivre dans une famille étrangère. Je veux le garder avec moi. »

Avdieitch quitta donc son patron, se mit à son compte et garda son fils. Mais Dieu ne bénit pas Martin dans ses enfants. Kapitocha, commençait agrandir, à aider son père ; les bons jours semblaient venus, mais voilà qu’il tomba malade ; il garda le lit une semaine et mourut. Martin ensevelit son enfant et fut pris de désespoir.

Il était si désolé, qu’il se prit même à murmurer contre la Providence ; il se sentait si malheureux, que souvent il demandait la mort à Dieu, lui reprochant de ne l’avoir pas rappelé, lui vieillard, à la place de son fils unique, de son fils adoré. Avdieitch cessa même d’aller à l’église.