Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol19.djvu/341

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point gaspillé l’argent que lui avait donné Ivan ; au contraire, il l’avait fait fructifier. Il avait mis de l’ordre dans les affaires de son royaume. Il tenait son or dans ses caisses et en exigeait encore de ses sujets. Il en demandait tant par village, tant par tête, tant sur les voyages, tant sur les souliers et les bandelettes, etc. Et tout ce qu’il désirait, il l’avait. En échange de son argent, on lui apportait tout et l’on venait travailler, car tout le monde a besoin d’argent.

Ivan l’Imbécile n’était pas malheureux non plus. Sitôt son beau-père enterré, il ôta ses habits de tzar et les donna à sa femme pour les enfermer dans le coffre. Il reprit sa chemise de chanvre, ses culottes, ses chaussures d’écorce et se remit à son travail.

— Je m’ennuie, dit-il. Mon ventre commence à pousser, et je n’ai plus ni appétit ni sommeil.

Il fit venir son père, sa mère, sa sœur muette et se remit à travailler.

On lui dit :

— Mais tu es tzar !

— Eh ! qu’importe ! un tzar a aussi besoin de manger.

Son ministre vint lui dire :

— Nous n’avons pas d’argent pour payer les traitements.

— Eh bien ! dit-il, s’il n’y en a pas, ne paie pas.

— Mais ils vont tous s’en aller !