Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/107

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tout, mais il avait ce qu’on appelle un grain : constamment, et sans cause apparente, il était dans un état extrême de l’esprit, tantôt pleurnicheur, tantôt satirique, tantôt susceptible pour la moindre chose, et ce jour-là, comme il semblait, il était dans cette dernière disposition. Il ne disait rien, nous regardait méchamment, moi et son père, et seulement quand on s’adressait à lui, il souriait de son sourire docile, forcé, sous lequel il était déjà habitué à cacher ses sentiments et surtout la honte pour son père, qu’il lui était impossible de ne pas éprouver devant nous.

— Oui, c’est ça ! Nikolaï Pétrovitch, — me dit le vieux, en me suivant dans la chambre tandis que je m’habillais, tout en tournant entre ses doigts, lentement et avec respect une tabatière d’argent, cadeau de ma grand’mère. — Dès que j’ai su par mon fils que vous aviez passé l’examen si brillamment — votre esprit est connu de tous — aussitôt je suis accouru pour vous féliciter, mon petit père, je vous ai porté sur mes épaules, et Dieu sait que je vous aime tous comme mes parents, et Ilinka m’a demandé à venir chez vous ; lui aussi est déjà habitué chez vous.

Ilinka qui, pendant ce temps, était assis silencieusement près de la fenêtre, regarda mon tricorne et murmura indistinctement entre ses dents quelque chose de méchant.

— Eh bien ! Je voulais vous demander, Nikolaï