Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/154

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voilà, vous tombez malade, votre femme dévouée oublie sa maladie, et sans cesse, malgré vos prières de ne pas se tourmenter en vain, elle veille à votre chevet et à chaque seconde, vous sentez sur vous son regard de compassion qui vous dit : « Malgré ce que j’ai pu dire, n’importe ; quand même, je ne te laisserai pas. » Le matin vous allez un peu mieux, vous passez dans l’autre chambre, la chambre n’est ni chauffée ni préparée ; la seule soupe que vous puissiez manger n’est pas commandée au cuisinier, on n’a pas envoyé chercher l’ordonnance, mais votre femme aimante, fatiguée de la veille de la nuit, toujours vous regardant avec la même expression de pitié, marche sur la pointe des pieds et en chancelant donne aux valets des ordres incompréhensibles, vagues. Vous voulez lire, votre femme aimante vous dit avec un soupir qu’elle sait que vous ne l’écouterez pas, que vous vous fâcherez contre elle, qu’elle y est déjà habituée, mais qu’il vaut mieux pour vous ne pas lire. Vous voulez vous promener dans la chambre, elle dit qu’il serait meilleur pour vous de ne pas le faire. Vous voulez causer avec un ami qui est venu, elle dit qu’il est préférable que vous ne parliez pas. Dans la nuit, vous avez de nouveau des chaleurs, vous désirez vous assoupir, mais votre femme aimante, maigre, pâle et respirant lentement, dans la demi-lueur de la veilleuse est assise en face de vous, dans une chaise, et son moindre