Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/155

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mouvement excite en vous des sentiments de dépit et d’impatience. Vous avez un valet qui est avec vous depuis vingt ans, auquel vous êtes habitué ; il vous sert avec adresse et bonne volonté, car dans la journée il dort et reçoit des appointements pour son service, mais elle ne lui permet pas de vous servir. Elle fait tout elle-même, de ses doigts faibles, inexpérimentés, et vous ne pouvez pas voir, sans une colère contenue, ou ses doigts blancs s’efforçant en vain d’ouvrir une bouteille, ou éteignant une bougie, ou versant la potion, ou vous touchant avec répugnance. Si vous êtes impatient, emporté et lui demandez de s’en aller, de votre oreille agacée, malade, vous l’entendez à travers la porte soupirer, pleurer et murmurer des absurdités à votre valet. Enfin, si vous ne mourez pas, votre femme aimante, qui n’a pas dormi de vingt nuits pendant votre maladie (ce qu’elle vous répète sans cesse), tombe malade, s’affaiblit, souffre et devient encore moins capable de n’importe quelle occupation. Et quand vous êtes dans votre état normal elle n’exprime son amour dévoué que par un doux ennui, qui involontairement se communique à vous et à tout l’entourage.

La troisième sorte d’amour — l’amour actif — consiste dans l’aspiration à satisfaire tous les besoins, tous les désirs, tous les caprices, les vices même de la créature aimée. Les gens qui aiment ainsi, aiment toujours pour toute la vie, parce que plus