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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/156

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ils aiment, plus ils connaissent l’objet aimé, plus il leur est facile de l’aimer, c’est à-dire de satisfaire ses désirs, Leur amour s’exprime rarement en paroles et s’ils parlent, ce n’est ni avec un air satisfait et avec éloquence, mais d’un air confus, maladroitement, car ils ont toujours peur de ne pas aimer assez. Ces personnes aiment jusqu’aux vices de la créature aimée, parce que ces vices leur donnent la possibilité de satisfaire encore de nouveaux désirs. Elles recherchent très volontiers la réciprocité ; même si elles se trompent, elles y croient et sont heureuses de l’avoir. Mais dans le cas contraire, elles aiment quand même, et non seulement désirent le bonheur de l’être aimé, mais par tous les moyens moraux et matériels, grands et petits, qui sont en leur pouvoir, elles tâchent toujours de lui donner ce bonheur.

Et cet amour actif pour son neveu, sa nièce, sa sœur, pour Lubov Sergueievna, pour moi-même, parce que Dmitri m’aimait, cet amour actif se montrait dans les yeux, dans chaque parole, dans chaque mouvement de Sophie Ivanovna.

Ce n’est que beaucoup plus tard que j’ai apprécié entièrement Sophie Ivanovna, et alors il me vint en tête cette question ; pourquoi Dmitri, qui tâche de comprendre l’amour tout autrement que le comprennent d’ordinaire les jeunes gens, et qui a toujours eu devant les yeux cette bonne et aimante Sophie Ivanovna, s’est-il épris, tout