Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/181

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remarqués chez les personnes amoureuses, ce ne fut que pendant deux jours, et non d’une manière constante, mais dans la soirée surtout que je me rappelais que j’étais amoureux ; et enfin, aussitôt entré dans le nouveau train de la vie de la campagne et des occupations, j’oubliai tout à fait mon amour pour Sonitchka.

Nous étions arrivés à Petrovskoié pendant la nuit, et je dormais si profondément que je ne vis ni la maison, ni l’allée de bouleaux, ni personne des miens qui tous, déjà dispersés, dormaient depuis longtemps. Le vieux Foca, courbé, pieds nus, couvert d’une camisole ouatée, un bougeoir à la main, ôtait le verrou de la porte. En nous voyant, il tressaillit de joie, nous baisa l’épaule, à la hâte ôta sa camisole et commença à s’habiller. Je traversai le vestibule et montai l’escalier sans être bien éveillé ; mais, dans l’antichambre, les serrures de la porte, le verrou, la lame de parquet gondolée, la malle, le vieux bougeoir taché de suif, les ombres couchées de la chandelle que Foca venait d’allumer, la fenêtre double qui ne s’enlevait jamais, toujours poussiéreuse, derrière laquelle, je me le rappelais, poussait un sorbier, tout cela m’était si connu, éveillait en moi tant de souvenirs, nous étions si amis, comme unis dans une même pensée, que subitement je sentis sur moi la caresse de cette aimable vieille maison. Involontairement je me fis cette question : « Comment moi