Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/201

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des hommes non comme il faut. Le deuxième groupe se subdivisait ainsi : les hommes non comme il faut proprement dits et « la plèbe ». J’estimais beaucoup les hommes comme il faut, et je croyais digne d’avoir avec eux des relations d’égalité ; je feignais de mépriser ceux de la deuxième catégorie, mais, en réalité, je les haïssais et j’éprouvais envers eux un sentiment de personnalité blessée ; quant aux troisièmes, pour moi, ils nexistaient pas — je les méprisais complètement. Mon comme il faut consistait premièrement et principalement dans la parfaite connaissance et surtout dans la bonne prononciation du français. La personne qui prononçait mal le français, excitait tout de suite en moi un sentiment de haine. « Pourquoi donc veux-tu parler comme nous, quand tu ne le peux pas ? » lui demandais-je en pensée avec un sourire railleur. La deuxième condition du comme il faut était d’avoir les ongles longs, bien taillés et propres. La troisième, c’était de savoir saluer, danser et causer ; la quatrième, très importante, c’était l’indifférence pour tout, et l’expression perpétuelle d’un ennui élégant, méprisant. En outre, j’avais des indices généraux à l’aide desquels, sans parler à un homme, je savais dans quel groupe le classer. Le principal de ces indices, outre l’ameublement de la chambre, les gants, l’écriture, la voiture, c’étaient les jambes. L’harmonie des chaussures avec les pantalons, pour moi tranchait aussi-