Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/324

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nos jours dans la vieille izba. Fais prier éternellement Dieu pour toi — continua-t-il en saluant bas — Ne nous chasse pas de notre nid, Petit père…

Pendant que Tchouris parlait, sous la soupente, à l’endroit où se trouvait sa femme, on entendait des gémissements qui devinrent de plus en plus forts, et quand le mari prononça : « petit père », la femme, tout à fait à l’improviste, s’élança en avant et tout en larmes se jeta aux pieds du maître :

— Ne nous perds pas, notre nourricier ! Tu es notre père et notre mère ! Où irons-nous ? Nous sommes des vieillards seuls. Que ta volonté soit faite, ainsi que celle de Dieu… — exclama-t-elle.

Nekhludov bondit du banc et voulut relever la vieille, mais elle, avec un désespoir passionné, se frappait la tête sur le sol et repoussait la main du maître.

— Eh bien ! Voyons, lève-toi, je t’en prie ! Si vous ne voulez pas, eh bien ! soit, je ne vous forcerai pas — dit-il en faisant un geste de la main et en se reculant vers la porte.

Quand Nekhludov se fut rassis sur le banc et que dans l’izba s’établit le silence, interrompu seulement par les pleurs de la femme, qui de nouveau s’installait sous la soupente et là essuyait ses larmes avec la manche de sa chemise, le jeune seigneur comprit ce qu’était pour Tchouris et pour sa femme cette petite izba en ruines, le puits défoncé