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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/333

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donnera du blé, et tu auras de quoi nourrir le bétail.

— Mais puisque je n’ai pas de bétail, comment puis-je avoir du fumier ?

« C’est un étrange cercle vicieux », pensait Nekhludov, mais il ne trouvait rien à conseiller au paysan.

— Il faut encore dire, Votre Excellence, que ce n’est pas le fumier qui produit le blé, mais Dieu — continua Tchouris — Ainsi l’été, chez moi, sur mon champ non fumé, il y avait six meules de blé, et dans l’autre champ couvert de fumier, il n’y en avait qu’une. Il n’y a que Dieu — ajouta-t-il avec un soupir. — Et le bétail ne peut vivre en notre cour, c’est la sixième année qu’il ne survit pas. En été, un petit veau est crevé, l’autre je l’ai vendu, nous n’avions pas de quoi manger, et l’année précédente, une superbe vache est tombée : on l’emmène du troupeau, elle n’avait rien… tout à coup, elle chancela, la vapeur sortit. C’est déjà ma déveine !

— Eh bien ! Frère, pour que tu ne dises pas que tu n’as pas de bétail parce qu’il n’y a pas de quoi le nourrir, et qu’il n’y a pas de quoi le nourrir parce qu’il n’y a pas de bétail ; voilà pour acheter une vache — dit Nekhludov en rougissant et en tirant de sa poche une liasse de billets froissés — achète une vache à mon bonheur et prends de quoi la nourrir dans l’enclos, je donnerai des ordres. Veille donc à ce que dimanche prochain la vache soit chez toi, je reviendrai.