Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/341

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portant la main sur sa bouche elle toussa tant que Nekhludov, sans attendre, entra dans l’izba. Ukhvanka était assis sur le banc, sous les icônes. À la vue du maître, il se précipita vers le poêle, comme s’il voulait se cacher, fourra précipitamment sous la planche un objet quelconque et, en ouvrant la bouche et les yeux, il se serra le long du mur, comme pour laisser le passage au maître. Ukhvanka était un jeune homme blond, de trente ans, mince, élégant, avec une petite barbiche pointue ; il eût été assez beau sans des yeux sombres qui couraient et regardaient désagréablement sous les sourcils froncés. Il lui manquait aussi deux dents de devant et ce défaut sautait immédiatement aux yeux, parce que ses lèvres étaient courtes et se soulevaient sans cesse. Il avait une chemise de fête à goussets rouge vif, des pantalons rayés et de lourdes bottes à tige plissée. L’intérieur de l’izba d’Ukhvanka n’était ni si étroit, ni si sombre que celui de l’izba de Tchouris, bien qu’elle fût remplie de la même odeur étouffante de fumée et de touloupe[1] et que, dans un même désordre, fussent jetés de tous côtés les vêtements et la vaisselle. Deux objets arrêtaient étrangement l’attention : un petit samovar bosselé posé sur la planche, et un cadre noir, suspendu près des icônes, et contenant sous un morceau de verre sale le portrait d’un général en uniforme rouge. Nekhludov

  1. Sorte de pelisse courte, faite de peau d’agneau.