Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/366

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— Pourquoi salues-tu jusqu’à terre — demanda avec dépit Nekhludov en la soulevant par les épaules. — Ne peux-tu pas demander tout simplement ? Tu sais que je n’aime pas cela. Marie ton fils si tu veux, j’en serai très content si tu as déjà une fiancée en vue.

La vieille se leva et avec sa manche essuya ses yeux secs. Davidka suivit son exemple et frottant ses yeux avec son poing enflé, dans la même attitude patiente et soumise, il se tint debout, écoutant ce que disait Arina.

— La fiancée, c’est-à-dire s’il y en a ! Ah ! et Vassutka, la fille de Mikheï, elle n’est pas mal, mais sans ton ordre elle n’acceptera pas.

— Ne consent-elle pas ?

— Non, nourricier, de bon gré elle n’acceptera pas.

— Eh bien ! Alors que puis-je faire ? Je ne puis la forcer, cherchez-en une autre, sinon dans le village, alors chez un autre seigneur, je la rachèterai, mais seulement qu’elle accepte de plein gré. On ne peut pas se marier par force. Il n’y a pas de loi pareille et c’est un grand péché.

— Eh !… Nourricier ! Mais est-il possible qu’en voyant notre vie et notre misère, on vienne chez nous volontairement ? Même une catin ne voudrait pas prendre sur elle une telle misère. Quel paysan nous donnera sa fille ? Le plus désespéré ne le voudra pas. Nous sommes trop misé-