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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/38

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me revenaient en tête et en m’évertuant à avoir peur de quelque chose.

Papa, le premier, alla se confesser. Il resta très longtemps dans la chambre de grand’mère, et en attendant, nous tous, dans le divan, nous nous taisions, ou discutions en chuchotant sur le point de savoir qui de nous passerait le premier. Enfin on entendit de nouveau la voix du moine qui lisait la prière et le pas de père. La porte grinça et il sortit en toussotant, avec son tic habituel et sans regarder aucun de nous.

— Eh bien ! maintenant, va, Luba, et prends garde, dis tout. Tu es ma grande pécheresse, — fit gaiement papa en lui pinçant la joue.

Lubotchka pâlit et rougit, tira son billet de son tablier, l’y remit et, la tête enfoncée dans les épaules, comme si elle eût attendu un coup venant d’en haut, elle franchit la porte. Elle ne resta pas longtemps. Quand elle sortit de là, ses épaules étaient secouées par des sanglots.

Enfin, après la jolie Katenka, qui en souriant traversa la porte, mon tour vint. Avec la même frayeur sourde et le désir conscient de l’exciter en moi de plus en plus, j’entrai dans la chambre, à demi éclairée. Le confesseur était debout devant le pupitre, il tourna lentement son visage vers moi.

Je ne restai pas plus de cinq minutes dans la chambre de grand’mère, et j’en sortis heureux, et selon mes convictions d’alors, tout à fait pur, mo-