Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/394

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en comparant toutes ses conversations d’autrefois, toutes les circonstances de sa vie avec la vérité qu’il venait de percevoir et qui lui semblait tout-à-fait neuve. « Comme tout ce que je savais, tout ce à quoi j’ai cru, tout ce que j’ai aimé était stupide ! » se disait-il. «L’amour, le dévouement, voilà le seul vrai bonheur, indépendant du hasard ! » répétait-il en souriant et en agitant les mains. En appliquant cette idée à toutes les circonstances de la vie et trouvant que son devoir dans cette vie lui était dicté par cette voix intérieure qui lui disait : C’est cela, il éprouvait un sentiment, nouveau pour lui, d’émotion joyeuse et enthousiaste. « Ainsi, je dois faire le bien pour être heureux, » pensait-il ; et tout son avenir se dessinait vivement devant lui, et non plus abstraitement, mais en images précises, sous la forme de la vie seigneuriale.

Il voyait devant lui un immense champ d’action pour sa vie entièrement consacrée au bien et qui lui donnerait le bonheur. Il n’a pas à chercher de sphère d’activité : elle est prête, il a devant lui un devoir, il a des paysans… et quelle œuvre bonne, et utile, se présente à lui ! « Agir sur cette classe du peuple simple, impressionnable, non dépravée ; la délivrer de la pauvreté, lui donner l’aisance, et l’instruction dont j’ai le bonheur de jouir ; corriger leurs vices, fruits de l’ignorance et de la superstition ; développer leur moralité, faire aimer le bien… quel avenir brillant, heureux. Et moi,