Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol21.djvu/154

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Dieu. Mais il se dit : Ma chair désire le pain, le pain est nécessaire à la vie, mais l’homme vit non du pain mais de l’esprit, de ce qui lui vient de Dieu.

Cependant la faim le torture quand même et un autre doute le saisit. Il pense : Tu dis que tu es le fils de Dieu et que Dieu viendra à toi, et tu souffres et ne peux faire cesser tes souffrances. » Et il s’imagine être sur le toit du temple et une idée lui vient : Si je suis l’esprit, fils de Dieu, je puis me jeter en bas, je ne me tuerai pas ; une force invisible me protégera, me soutiendra, et me sauvegardera de tout mal. Pourquoi ne me jetterais-je pas, pour cesser de souffrir de la faim ? Mais il se dit : Pourquoi tenterais-je Dieu pour savoir s’il est avec moi ou non ? Si je peux l’éprouver, je ne crois pas en lui et il n’est pas avec moi. Dieu l’esprit me donne la vie, c’est pourquoi la vie, l’esprit, est toujours en moi. Et je ne puis pas me tuer puisque je sens en moi l’esprit.

Mais la faim le tenaillait toujours. Et une autre idée lui vint : Si je ne dois pas tenter Dieu en me jetant du haut du temple, alors je ne dois pas non plus l’éprouver en ne satisfaisant pas mon besoin de manger. Je ne dois pas me priver de tous les désirs de la chair ; ils sont en moi et en tous les hommes. Et il se représenta tous les royaumes de la terre et tous les hommes, comment ils vivent et travaillent pour la chair en attendant la récompense. Et il pensa : Ils travaillent pour la chair, et