Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol22.djvu/130

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vie qui sauve de la mort, il est nécessaire de renoncer à tout.

Et, afin de ne pas regretter ce à quoi l’on renonce, il suffit de calculer les avantages et les désavantages de la vie charnelle et de la vie spirituelle. Réfléchis à ta situation dans ce monde, comme réfléchit celui qui fait bâtir une maison ou le roi qui se prépare à guerroyer.

Tu aimes ton père, ta mère, tes enfants, ta vie. Eh bien, peux-tu terminer cette vie comme une maison ? Peux-tu t’opposer à la mort qui marche vers toi de toutes ses forces ? Si tu le peux ou si tu crois le pouvoir, alors construis ta vie ; et si tu vois que tu ne le peux pas, que ta maison restera inachevée, que tu ne peux vaincre le roi qui va en guerre contre toi, alors cesse de bâtir, fais la paix et suis-moi vers cette vie que je te montre. C’est pourquoi il ne peut être de milieu. Si tu crois que cette seule vie que donne l’entendement est la vie, alors vis de l’entendement et tu ne regretteras rien, mais avec joie, tu donneras ta vie charnelle. Si, au contraire, tu ne crois pas, si tu regrettes la vie charnelle, alors mieux vaut ne pas me suivre. Le sens de ma doctrine, c’est le renoncement à la vie charnelle. Si, désirant être mon disciple, tu ne renonces pas à tout, si tu regrettes quelque chose, alors, comme le sel qui a perdu sa saveur, tu n’es déjà plus bon à rien.