Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol22.djvu/222

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dirais à mon âme : Voilà mon âme, tout à ta guise, repose-toi, mange et vis en joie.

Et Dieu lui dit : Imbécile ! Cette nuit on prendra ton âme, et tout ce que tu as amassé pour les autres restera. C’est ce qui arrive à chacun qui amasse pour la vie de la chair et qui ne vit pas en Dieu.

Jésus leur dit encore : Vous racontez que Pilate a tué des Galiléens ; ces Galiléens étaient-ils en quelque manière pires que les autres pour que cela leur soit arrivé ? Nullement. Nous sommes tous pareils et nous périrons aussi si nous ne trouvons pas le salut de la mort. Et ces dix-huit personnes que la tour a écrasées en tombant, étaient-elles pires que tous les autres habitants de Jérusalem ? Nullement. Si nous ne nous sauvons pas de la mort, aujourd’hui ou demain nous périrons aussi.

Si nous n’avons pas encore subi le sort de ceux-ci, voici comment nous devons penser : Un pommier poussait dans le jardin d’un propriétaire. Le propriétaire vient dans son jardin, regarde le pommier et voit qu’il n’a pas de fruits. Il dit au jardinier : Voilà trois ans que je viens ici, et ce pommier est toujours stérile, il faut le couper, car il prend de la place tout à fait inutilement ! Le jardinier dit : Maître, attendons encore : je déchausserai l’arbre, mettrai du fumier autour et l’été prochain, nous verrons, peut-être donnera-t-il des fruits. S’il n’en donne pas, alors nous le couperons.