Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol22.djvu/325

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sont extraordinaires et l’évangéliste lui-même en montre de l’étonnement. Ils ont probablement interprété à leur façon ce miracle comme ils l’avaient fait pour d’autres, disant qu’il avait eu recours à la force diabolique ou supposant une ruse quelconque. Jusqu’à quel point peut arriver l’aveuglement de l’homme dont le cœur est plein de colère, d’envie, de préjugés ?…

Reuss, (Nouveau Testament, p. 250.)

La prière prononcée par Jésus ne présente rien qui puisse mériter les reproches qu’on lui a fait quelquefois de nos jours, dès qu’on s’en tient au texte qui déclare que c’était une prière d’action de grâces. Jésus n’a pas demandé en ce moment le pouvoir exceptionnel de ressusciter un mort ; toujours uni à son Père, il ne peut pas être question entre eux d’une délégation de faveur pour une circonstance spéciale ; s’il a parlé à haute voix, c’est pour bien convaincre le monde que son pouvoir vient de Dieu, et que ses œuvres sont accomplies à la gloire de Dieu. S’il remercie Dieu d’avance, c’est une preuve d’autant plus irréfragable qu’il n’est pas un thaumaturge d’occasion, mais le dépositaire des forces divines, d’une manière permanente. On remarquera encore qu’il rappelle à Marthe qu’il lui avait prédit qu’elle verrait la gloire de Dieu, si elle avait la foi. Or, cette phrase est composée d’éléments des versets 4, 23 et 26, et prouve encore que la rédaction est faite pour le lecteur du livre, et non inspirée par les préoccupations d’une exactitude diplomatique. Prétendre que Jésus avait fait dire à Marthe, par quelque messager, ce que nous lisons au verset 4, c’est retomber dans l’ornière du rationalisme vulgaire, qui s’obstine à ne voir partout dans cet évangile qu’une narration à fleur de terre.

Quant au fond de l’histoire et au fait même de la résurrection de Lazare, il faut reconnaître que tous les essais d’écarter le miracle sont arbitraires, et reviennent en fin de compte à nier purement et simplement la