Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol22.djvu/326

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crédibilité de l’auteur. Aucune explication, de toutes celles qu’on a proposées, ne porte en elle-même un caractère de vraisemblance et de simplicité tel, qu’on serait tenté de la substituer sans plus ni moins à la forme traditionnelle du récit. L’argument négatif le plus grave est tiré du silence des synoptiques, mais il peut être neutralisé par la considération de nombreuses lacunes que présentent leurs récits pris individuellement.

La tradition ayant conservé le souvenir de plusieurs faits analogiques, la présence de celui-ci ne compromet pas plus particulièrement l’autorité de notre auteur. Cependant il convient de faire remarquer ici, qu’après le rationalisme, l’orthodoxie a éprouvé à son tour le besoin d’amoindrir le miracle. Si elle ne parle plus d’une simple léthargie, elle prétend cependant que l’assertion de Marthe, au verset 39, repose sur une présomption erronée. Elle aussi ne peut se décider d’admettre le retour de la vie dans un corps dont la décomposition aurait commencé d’une manière sensible. La question physiologique n’est pas de notre compétence, mais nous soutenons qu’elle n’a pas arrêté le narrateur. Il ne fait pas dire à Jésus que Marthe se trompe, mais il oppose directement la gloire de Dieu à la désolation désespérée de l’homme, la réalité de la vie nouvelle à l’absolue destruction de la vie nouvelle première. En méconnaissant ce fait non seulement on marchande le miracle en lui-même, mais on efface aussi ce qu’il est destiné à mettre en relief dans l’économie de cet ouvrage, savoir, l’antithèse radicale entre la vie physique et la vie spirituelle. À ce point de vue, nous osons affirmer que l’odeur cadavéreuse émanant du tombeau, même avant la levée de la pierre, est un trait essentiel dans le récit.

Le point de vue de Reuss est celui de la ci-nommée science. Quelque claire que soit l’insanité de pareils miracles, grâce à l’obscurantisme millé-