Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol24.djvu/65

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ment il faut les couper et où les fixer. Quand le propriétaire verra que sa maison ne vaut rien, qu’il faut la rebâtir, il fera la sourde oreille, et feindra d’écouter avec déférence ce que dit l’architecte à propos des détails touchant la disposition des chambres. Évidemment, tous les conseils de l’architecte paraîtront impraticables ; quant aux propriétaires peu respectueux, ils traiteront ces conseils de sottises. De même pour la doctrine du Christ.

J’ai proposé cette comparaison, faute de mieux. Je viens de me rappeler que Christ, en enseignant sa doctrine, employa la même comparaison. Il dit : Je détruirai votre temple et, en trois jours, j’en bâtirai un nouveau. C’est même pour cela qu’on le mit en croix. Et c’est pour cela qu’à présent on crucifie sa doctrine.

Le moins qu’on puisse exiger des hommes qui jugent une doctrine quelconque, c’est de juger la doctrine telle que la comprenait le maître lui-même. Or, il comprenait sa doctrine non comme l’idéal lointain de l’humanité, dont la pratique est impossible, non comme des rêveries poétiques ou fantaisistes propres à charmer les naïfs habitants de la Galilée ; elle consistait pour lui en actes qui devaient être le salut de l’humanité. Il n’a pas rêvé sur la croix mais crié, et il est mort pour sa doctrine ; de même que beaucoup sont morts et mourront. On ne peut pas dire d’une doctrine pareille que c’est une chimère.