Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol26.djvu/44

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J’y accédai du côté de la ruelle Nikolski. La ruelle se termine du côté gauche, par une maison sombre, sans porte cochère, donnant de ce côté. À l’aspect de cette maison, je devinai que c’était la forteresse Rjanov.

En descendant la pente de la rue Nikolskaïa, je rejoignis des gamins de dix ou quatorze ans, vêtus de camisoles et de pardessus, qui glissaient soit sur leurs pieds, soit sur un patin, en suivant près de cette maison la pente glacée du trottoir. Les gamins étaient déguenillés et, comme tous les gamins de la ville, hardis et braves. Je m’arrêtai pour les regarder. Une vieille femme dépenaillée, les joues jaunes, pendantes, sortit du coin. Elle allait dans la direction du marché de Smolensk, et comme un cheval poussif, elle râlait lamentablement à chaque pas. Quand elle m’eut rattrapé, elle s’arrêta, exhala son souffle rauque. Dans tout autre endroit, cette femme m’eût demandé de l’argent, mais ici elle se mit seulement à me parler. « En voilà ! dit-elle en désignant les garçons qui patinaient, ils ne font que s’amuser ! Ils seront les mêmes habitants de Rjanov que leurs pères ! » Un gamin vêtu d’un pardessus, avec une casquette sans visière, entendit ces paroles et s’arrêta : « Qu’as-tu à injurier ? T’es toi-même une vermine de Rjanov ! » cria-t-il à la vieille.

— Habitez-vous là ? demandai-je au gamin.