Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol26.djvu/46

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Je fis le tour du bâtiment du côté de la ruelle Prototchni et du passage Beregovoï, et en retournant, je m’arrêtai près de la porte d’une des maisons. Je voulais entrer, voir ce qui se passait à l’intérieur, mais j’étais gêné en pensant à ce que je répondrais si l’on me demandait ce que je voulais ; après quelque hésitation, j’entrai. Aussitôt dans la cour, je sentis une odeur écœurante. La cour était horriblement sale ; je contournai l’angle et, au même moment, j’entendis à ma gauche, en haut, sur un balcon de bois, le piétinement de gens qui couraient d’abord sur les planches du balcon et ensuite sur les marches de l’escalier. Une femme maigre, les manches retroussées, en robe rose fanée, les pieds nus dans ses souliers, parut la première ; derrière elle courait un homme bouffi en chemise rouge et pantalon très large, comme une jupe, et en galoches. L’homme rattrapa la femme au bas de l’escalier. « Tu ne m’échapperas pas ! » cria-t-il en riant. « En voilà un diable louche ! » dit la femme évidemment flattée par cette poursuite. Mais elle m’aperçut et cria avec colère : « Que voulez-vous ? » Comme je n’avais besoin de personne, je me sentis gêné et m’éloignai. Il n’y avait en cela rien d’étonnant, mais ce cas, après ce que j’avais vu de l’autre côté de la cour : la vieille femme proférant des injures, le vieillard gai et les gamins qui patinaient, me faisait voir tout à coup, sous un tout autre jour, ce que je voulais