Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol26.djvu/80

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complète et le luxe, je voulusse corriger d’autres hommes et des enfants qui se perdent à cause de l’oisiveté, dans la maison de Rjanov, que j’ai appelée lupanar, et où cependant les trois quarts des habitants travaillent pour eux et les autres. Mais je ne comprenais point cela.

Dans la maison de Rjanov, il y avait beaucoup d’enfants dans la plus pénible situation : des enfants de prostituées, des orphelins, des enfants abandonnés par des mendiants dans les rues. Tous étaient très miséreux. Mais mon expérience avec Serge m’avait montré que je ne pouvais les aider en vivant comme je vivais. Pendant que Serge demeurait chez nous, je faisais en sorte de lui cacher la moitié de notre vie et particulièrement celle de nos enfants ; je sentais que tous mes soins à le diriger dans la voie du travail seraient détruits par l’exemple de notre vie et de celle de nos enfants. C’est très facile de prendre un enfant de prostituée, de mendiante, c’est très facile, quand on a beaucoup d’argent, de le laver, de le nettoyer, de le vêtir proprement, de le nourrir et même de lui enseigner diverses sciences. Mais lui apprendre à gagner son pain, quand on ne le gagne pas soi-même, au contraire, c’est non seulement difficile, mais impossible, parce que, notre exemple, et même l’amélioration matérielle de sa vie qui ne nous coûte rien, lui enseignent le contraire. On peut prendre un petit chien, le soigner, le