Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol3.djvu/101

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barbe, et s’approchant d’Olénine, lui tendit sa grosse main noire.

Kochkildi ! — dit-il. — En tatar cela signifie : Nous vous souhaitons une bonne santé, la paix soit avec vous.

Kochkildi ! Je sais, répondit Olénine en lui tendant la main.

— Eh ! tu ne connais pas les coutumes ! Sot ! — dit l’oncle Erochka en hochant la tête en signe de dédain. — Quand on te dit Kochkildi, tu dois répondre : Alla razi bo soun, ce qui veut dire : Dieu vous sauve. Voilà, ce qu’il faut dire, mon cher, et non Kochkildi. Je t’apprendrai tout. Oui, il y avait chez nous Ilia Moceitch, un Russe, nous étions des kounaks. C’était un brave garçon, ivrogne, voleur, chasseur, et quel chasseur ! Je lui ai appris tout !

— Et que m’apprendras-tu donc ? — demanda Olénine, de plus en plus intéressé par le vieillard.

— Je t’emmènerai à la chasse, je t’apprendrai à pêcher, je te montrerai des Tchetchenzes ; même je te procurerai une petite âme[1]. Tu vois quel homme je suis !… Je suis un plaisant ? — Et le vieux éclata de rire. — Je m’asseoirai, mon père, je suis fatigué, Karga ? — ajouta-t-il d’un ton interrogateur.

— Que signifie Karga ? — demande Olénine.

— En grouzine cela signifie : bon. Et moi, je dis

  1. Une maîtresse.