Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol3.djvu/135

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solennel. — Que tous tes souhaits s’accomplissent, sois brave et mérite la croix !

Loukachka aussi fit une prière, but du vin, et le remit sur la table. Le vieux se leva, apporta le poisson sec, le posa sur le seuil, le frappa avec un bâton pour l’amollir, puis il le prit dans ses mains durcies, le plaça sur son unique assiette bleue, et le mit sur la table.

— Chez moi, il y a de tout, même des hors d’œuvre ! J’en remercie Dieu ! — fit-il avec fierté. — Eh bien ! qu’a fait Mocev ? — demanda le vieillard.

Loukachka, désirant visiblement connaître l’opinion du vieux, raconta que l’ouriadnik lui avait pris le fusil.

— Laisse le fusil — dit le vieux. — Si tu ne le lui donnes pas, tu n’auras pas de récompense.

— Eh quoi, l’oncle ! Quelle récompense peut-on donner à un Cosaque qui n’a pas encore fait de service à cheval ? C’était un bon fusil de Crimée ; il vaut quatre-vingt pièces de monnaie.

— Ah, laisse ! Moi aussi j’ai discuté avec un centenier : il me demandait de lui donner le cheval. Donne le cheval, disait-il, je te présenterai pour le grade de khorounjï. Je ne l’ai pas donné, et je n’ai rien obtenu.

— Eh quoi, l’oncle ! Voilà, j’ai besoin d’acheter un cheval et l’on dit que sur l’autre rive on n’en trouve pas à moins de cinquante pièces. Ma mère n’a pas encore vendu le vin.