Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol3.djvu/143

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— Appelle, — dit Loukachka — et apporte-moi de la graisse, je dois graisser mon sabre.

La vieille sortit et quelques instants après, par les marches grinçantes, la muette, sœur de Loukachka, entra dans la cabane.

Elle avait six ans de plus que son frère, et aurait eu avec lui beaucoup de ressemblance, sans cette physionomie sotte, hébétée, grossièrement mobile, commune à tous les sourds-muets.

Elle était vêtue d’une chemise grossière, toute rapiécée. Les pieds étaient nus et sales. Elle avait sur la tête un vieux châle bleu foncé. Le cou, les mains et le visage étaient veinés, comme ceux des paysans. On voyait à son vêtement et à sa personne qu’elle était habituée aux rudes travaux masculins.

Elle apportait un fagot de bois qu’elle jeta près du poêle. Ensuite elle s’approcha de son frère avec un sourire joyeux qui rida tout son visage, puis lui toucha l’épaule, et, de la main, du visage et de tout le corps, se mit à lui faire des signes rapides.

— Bon, bon, bravo Stiopka ! — répondit le frère, en agitant la tête. — Tu as raccommodé, préparé tout, bravo ! Voilà pour toi ! — Et tirant de sa poche deux pains d’épices, il les lui donna.

Le visage de la muette devint rouge, elle poussa de sauvages cris de joie. Saisissant le pain d’épices, elle se mit à faire des signes encore plus