Le voyageur s’assit dans le traîneau, s’enveloppa dans sa pelisse, et dit : « Eh bien ! Partons ! » Et il se recula dans le traîneau pour laisser de la place à celui qui lui avait déclaré l’envier. Sa voix tremblait.
Celui qui l’accompagnait prononça : « Adieu, Mitia, Dieu te donne… » Il ne désirait rien, sauf que le voyageur partît au plus vite, c’est pourquoi il ne pouvait exprimer la suite de ses vœux.
Ils se turent. De nouveau, une voix dit : « Adieu ! » Quelqu’un cria : « En route ! » Et le traîneau s’ébranla.
— Elizar, ma voiture ! — cria l’un de ceux qui restaient.
Les cochers et un cocher de maître s’agitèrent, crièrent, secouèrent les rênes. La voiture gelée grinça sur la neige.
— Excellent garçon, cet Olénine, — dit l’un de ses compagnons. — Mais quelle idée d’aller au Caucase comme junker[1] ! Je n’en donnerais pas cinquante copeks. Tu dîneras au club demain ?
— Oui.
Et les interlocuteurs se séparèrent.
Le voyageur, serré dans sa pelisse, se sentit chaud. Il s’assit au fond du traîneau et ouvrit sa
- ↑ Grade militaire qui n’existe plus en Russie et correspondait à peu près au grade de sous-officier. Les junkers étaient tous des volontaires des classes privilégiées qui entraient dans l’armée en recevant de suite ce titre.