Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol3.djvu/273

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dans la porte ouverte à travers laquelle on apercevait des piles de châles de couleurs, pliés, et, avec la fierté d’un marchand oriental qui a conscience de son importance, il attendait les acheteurs. Deux Tchetchenzes, à la barbe rouge, pieds nus, venus d’au-dela du Terek pour admirer la fête, étaient assis sur leurs talons, près de la maison de leurs connaissances ; en fumant négligemment des petites pipes, et en crachotant, ils regardaient la population, et échangeaient entre eux des sons rapides, gutturaux. De temps en temps un soldat, sans habit de fête, en manteau usé, passait en se hâtant entre les groupes bigarrés qui se tenaient sur la place. Par-ci par-là, on entendait les chansons grossières des Cosaques déjà pris de vin. Toutes les cabanes étaient closes ; les perrons lavés depuis l’après-midi. Même les vieilles femmes étaient dans la rue. Dans les rues sèches, partout dans la poussière, sous les pieds, étaient jetées des enveloppes de graines de melon et de courges. L’air était chaud et immobile, le ciel, clair, bleu et transparent. La chaîne blanche des montagnes, qu’on voyait au-dessus des toits, semblait très proche et rose dans les rayons du soleil couchant. De l’autre côté du fleuve, on entendait rarement le bruit lointain d’un coup de canon. Mais dans la stanitza, il se confondait avec les sons, variés, joyeux, de la fête.

Olénine s’était promené toute la journée dans la