Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol3.djvu/30

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Si, en même temps, les humiliations d’autrefois, les faiblesses, les erreurs, lui viennent en mémoire, alors ce souvenir n’est qu’agréable. Il est clair que là-bas, parmi les montagnes, les torrents, les Circassiennes, les dangers, ces erreurs ne peuvent se renouveler. Une fois qu’on s’est avoué ses fautes, c’est fini. Un rêve encore plus cher se mêlait à chaque pensée d’avenir du jeune homme. C’était le rêve de la femme. Et là-bas, dans les montagnes, elle se présentait à son imagination comme une esclave circassienne à la taille gracieuse, aux longues tresses, aux yeux soumis, profonds. Dans les montagnes, il voyait une cabane isolée et à l’entrée, elle l’attendant, pendant que lui, fatigué, couvert de poussière, de sang et de gloire, retourne vers elle. Il s’imagine ses baisers, ses épaules, sa voix douce, sa soumission. Elle est charmante, mais ignorante, sauvage, grossière. Pendant les longues soirés d’hiver, il tâche de l’instruire. Elle est intelligente, comprend facilement, bien douée elle acquiert bientôt tout le savoir nécessaire. Pourquoi pas ? Elle peut très facilement apprendre les langues, lire les œuvres de la littérature française, les comprendre ; par exemple, Notre-Dame de Paris doit lui plaire beaucoup. Même, elle arrive à parler le français. Dans un salon, elle sait avoir plus de dignité naturelle qu’une dame de la meilleure société. Elle chante avec simplicité, avec force et expression. « Ah ! quelles