Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol3.djvu/311

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avait une expression particulière. On porta Loukachka vers le chariot. Il ne cessait de vociférer en russe et en tatare.

— Tu mens, je t’étranglerai de mes mains ! Tu ne m’échapperas pas Annaceni, — criait-il en voulant se dégager. Mais, bientôt, de faiblesse, il se tut.

Olénine partit à la maison. Le soir, il apprit que Loukachka était mourant mais qu’un Tatare d’au delà du fleuve consentait à le soigner avec des herbes.

Les cadavres furent amenés à la stanitza : les femmes et les enfants se pressaient pour les regarder. Olénine rentra au crépuscule, et, de longtemps, il ne pouvait se remettre de ce qu’il avait vu. Mais vers la nuit, les souvenirs de la veille lui revinrent de nouveau. Il regarda par la fenêtre. Marianka circulait dans la maison s’occupant du ménage. La mère était partie dans les vignes, le père était au bureau. Olénine n’attendit pas qu’elle eut fini son travail et se rendit près d’elle. Elle était dans la cabane, le dos tourné vers lui. Olénine crut qu’elle était gênée.

— Mariana ! — fit-il. — Eh, Marianka ! Peut-on entrer ?

Elle se retourna. Dans ses yeux roulaient des larmes à peine visibles. Son visage était empreint d’une belle douleur. Elle regarda en silence et majestueusement.