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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol3.djvu/340

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préparèrent à faire la noce comme on pouvait le voir aux bouteilles et aux flacons disposés autour d’eux et à l’animation particulière des chanteurs, qui, en faisant devant eux demi-cercle, chantaient, en l’accompagnant de sifflements, un air de danse caucasienne : la mélodie de Lezguinka :

Chamil voulait se révolter.
Dans les années passées…
Tra la la, Tra la laïe,
Dans les années passées.

Parmi ces officiers se trouvait aussi le jeune sous-lieutenant qui nous avait dépassés le matin. Il était très amusant : ses yeux brillaient, sa langue s’empêtrait un peu, il voulait embrasser, témoigner sa tendresse à chacun…

Pauvre garçon ! Il ne savait pas encore combien on peut se rendre ridicule avec cette franchise et cette tendresse qu’il montrait à tous et qu’elles disposent les autres, non à l’affection comme il le désirait, mais à la moquerie. Il ne savait pas non plus que, lorsque enflammé, il se jetait sur sa bourka et que s’appuyant de la main, il rejetait son épaisse chevelure noire, il était extraordinairement adorable. Deux officiers, assis sur une petite cantine sous une toiture, jouaient au douratchki[1]. J’écoutais

  1. Jeu de cartes.