Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol3.djvu/355

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En levant les regards, on pouvait remarquer que le ciel éclairci commençait à blanchir à l’Est, et la petite Ourse s’abaissait à l’horizon. Mais dans le col où nous marchions, il faisait humide et sombre. Tout à coup, un peu devant nous, dans l’obscurité brillèrent quelques flammes ; au même moment des balles volèrent en sifflant et dans le calme qui s’étendait au loin, éclatèrent des coups et des cris perçants. C’était le piquet de l’avant-poste ennemi. Les Tatars qui le comprirent poussèrent des cris, tirèrent au hasard et se dispersèrent.

Tout se tut. Le général appela l’interprète. Le Tatar en habit blanc s’approcha de lui et parla assez longuement, bas et avec des gestes.

— Colonel Khassanov, donnez l’ordre d’envoyer en avant les tirailleurs — prononça le général d’une voix contenue, lente, mais ferme.

Le détachement s’approchait de la rivière. Les montagnes noires du col restaient en arrière. Le jour commençait à poindre. L’horizon sur lequel, à peine visibles, demeuraient quelques pâles étoiles, semblait plus haut. À l’orient, un éclair de chaleur brilla clairement ; un petit vent, frais et pénétrant, soufflait de l’Ouest et le brouillard, léger comme une vapeur, se soulevait au-dessus de la rivière bruyante.