Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol3.djvu/357

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d’artillerie, avec de hauts cris, lancèrent au trot les chevaux dans l’eau. Les canons et les caissons verts par-dessus lesquels de temps en temps passait l’eau, cahotaient sur le lit pierreux. Mais les braves chevaux, raidissant leurs traits, fendirent l’eau et, la queue et la crinière mouillées, sortirent sur l’autre bord.

Dès que le passage fut effectué, le visage du général devint tout à coup sérieux et pensif. Il tourna son cheval et avec la cavalerie, il partit au trot sur la large plaine entourée de forêts qui s’ouvrait devant nous. Des Cosaques se dispersèrent le long des lisières.

On aperçut dans le bois un homme à pied, en costume circassien et en bonnet, puis un deuxième, un troisième… L’un des officiers dit : « Ce sont des Tatars. »

Soudain, à travers les arbres, se montra une petite fumée… un coup, un autre… Nos coups répétés étouffaient ceux de l’ennemi. Mais parfois la balle, avec un son prolongé, semblable au vol d’une abeille, volait devant nous, et nous prouvait que tous les coups n’étaient pas les nôtres. Voilà l’infanterie… des pas rapides, et l’artillerie au trot entre dans la ligne du combat. On entend les coups sourds des canons, le son métallique des boulets, le sifflement des fusées, le crépitement des fusils. La cavalerie, l’infanterie et l’artillerie sont à de tous côtés sur la large plaine. La fumée des