Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol3.djvu/59

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— Qu’avez-vous vu ? Racontez ! — cria l’oncle Erochka, en essuyant avec la manche de son habit la sueur de son visage rouge et large.

— Écoute l’oncle, quel vautour se tient dans le platane ! Chaque soir il tourbillonne, — dit Nazarka en clignant des yeux et en remuant son épaule et sa jambe.

— Eh ! toi ! — fit le vieillard avec méfiance.

— C’est vrai, oncle, assieds-toi là[1] ! — répéta Nazarka en souriant.

Le Cosaque se mit à rire.

Le malin n’avait point vu le vautour, mais les jeunes Cosaques, depuis longtemps déjà avaient pris l’habitude de taquiner et de tromper l’oncle Erochka chaque fois qu’il venait près d’eux, au cordon.

— En voilà un sot, il n’est bon qu’à mentir, — cria de son poste Loukachka à Nazarka.

Nazarka se tut aussitôt.

— Il faut garder la bête, je veillerai, — dit le vieillard à la grande joie de tous les Cosaques. — Et des sangliers, vous n’en avez pas vu ?

— C’est pas si facile de voir des sangliers ? — dit l’ouriadnik, très content de l’occasion de se distraire, en se retournant et en se frottant le dos à deux mains. — Ici, il faut attraper des Abreks et non des sangliers. Tu n’as rien entendu, l’oncle,

  1. S’asseoir, en le langage des Cosaques, signifie guetter l’animal. (Note de l’Auteur.)