Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol3.djvu/70

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pensant aux Tchetchenzes. Tout à coup un bruit fort et un clapotement dans l’eau le firent tressaillir et prendre son fusil. Au-dessus du bord un sanglier sauta en soufflant et son corps noir, s’écartant pour un moment de la surface brillante de l’eau, disparut dans les roseaux. Loukachka prit vivement son fusil, visa, mais n’eut pas le temps de tirer, le sanglier avait déjà disparu dans la forêt. En crachant de dépit, il s’éloigna. Tout près du secret il s’arrêta de nouveau et siffla doucement. Un sifflement lui répondit, il s’approcha de ses camarades.

Nazarka, enveloppé, dormait déjà. Ergouchov était assis, les jambes croisées sous lui, il se poussa un peu pour faire place à Loukachka.

— Comme c’est bien de s’asseoir ici, vraiment un bon endroit — dit-il. — L’as-tu conduit ?

— Oui, — répondit Loukachka en étendant son manteau sur le sol. — À l’instant, près de l’eau même, j’ai effrayé un énorme sanglier. Ce doit être le même. Tu l’as entendu courir sans doute !

— Oui, j’ai entendu un bruit, et j’ai tout de suite reconnu un animal ; et j’ai pensé : C’est Loukachka qui le fait lever — dit Ergouchov en s’enveloppant dans sa bourka. — Maintenant je dormirai — ajouta-t-il — tu m’éveilleras après le chant du coq, parce qu’en tout il faut de l’ordre. D’abord, moi, je dormirai, ensuite tu dormiras et moi je veillerai. Oui, c’est comme ça.