Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/21

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petites gouttelettes, s’accrochant aux chevelures, aux barbes, et aux poils des caftans. Les paysans, les yeux fixés sur le maître, attendaient ce qu’il allait dire, tandis que lui-même était trop troublé pour parler. L’intendant, le premier, rompit le silence. Cet Allemand, placide et sûr de soi, parlait le russe très correctement et se flattait de connaître à fond les paysans russes. Tous deux : lui, fort et gras, et à côté, Nekhludov, formaient un contraste frappant avec les paysans aux faces ridées et aux corps maigres, perdus dans leurs caftans.

— Voici que le prince veut vous faire du bien ; il veut vous céder les terres, bien que vous ne le méritiez point. — dit l’intendant.

— Comment nous ne le méritons pas, Vassili Carlitch, n’avons-nous pas travaillé pour toi ? Nous étions très contents de la défunte princesse — que le Seigneur lui accorde le royaume des cieux — et le jeune prince — grâces lui en soient rendues — ne nous abandonne pas, — commença un petit paysan roux et phraseur.

— Je vous ai convoqués pour vous faire savoir que, si vous le voulez, je vous céderai toutes mes terres, dit Nekhludov.

Les paysans, muets, semblaient ne pas comprendre ces paroles, ou n’y pas croire.

— Et dans quel sens, pour ainsi dire, nous céder les terres ? demanda un paysan d’âge moyen, en podiovka.