Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/160

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au loin, quelque part, les feux s’allumaient sur la flotte ennemie ; à gauche on apercevait la masse noire de notre vaisseau, on entendait le brisement des ondes sur ses bords ; on voyait le bateau qui s’éloignait avec bruit et rapidement de Severnaïa. Le feu de la bombe qui éclatait près de lui, éclairait pour un instant les gabions posés très haut sur le bateau, deux hommes qui se trouvaient en haut, l’écume blanche, les jets des vagues vertes, brisées par le bateau. Au bord du pont était assis, les jambes pendantes dans l’eau, un homme en chemise qui réparait quelque chose au ponton. Devant, sur Sébastopol, s’allumaient les mêmes feux et se rapprochaient, de plus en plus forts, les sons effrayants. La vague qui accourait se jeta du côté droit du pont et mouilla les pieds de Volodia ; deux soldats, traînant leurs pieds dans l’eau, passèrent à côté de lui. Tout à coup, quelque chose éclata et éclaira le pont en avant : une voiture et un cavalier, et les éclats, en sifflant, tombèrent dans l’eau qu’ils projetèrent en gerbes.

— Ah ! Mikhaïl Semionovitch, dit le cavalier en retenant le cheval en face de l’aîné des Kozeltzov. Quoi ! vous êtes déjà tout à fait guéri ?

— Comme vous voyez. Où Dieu vous mène-t-il ?

— À Severnaïa, chercher des cartouches. Je remplace aujourd’hui l’aide de camp du régiment… Nous attendons l’assaut d’un moment à l’autre.