Aller au contenu

Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol5.djvu/128

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

veau se sentait soudain sous le charme de son sourire. Il cessa de vouloir dormir ; il oublia son désir d’être sévère, et voulait au contraire s’égayer, écouter le musicien et même jusqu’au matin, bavarder amicalement avec lui. Delessov ordonna à Zakhar d’apporter une bouteille de vin, des cigares et le violon.

— Ah ! ça, c’est à merveille, — dit Albert. — Il est encore de bonne heure, faisons de la musique, je jouerai tant que vous voudrez.

Zakhar, avec un plaisir évident, apporta une bouteille de Laffitte, deux verres, des cigarettes douces que fumait Albert, et le violon. Mais au lieu d’aller se coucher, comme son maître le lui ordonnait, lui-même allumant un cigare, s’assit dans la chambre voisine.

— Causons plutôt, — dit Delessov au musicien qui prit le violon.

Albert s’assit doucement sur le lit et de nouveau sourit joyeusement.

— Ah ! oui, — dit-il en se frappant tout à coup le front avec la main et prenant une expression curieuse et inquiète (l’expression de son visage précédait toujours ce qu’il voulait dire). Permettez-moi de vous demander… — Il s’arrêta un peu. — Ce monsieur qui était avec vous là-bas, hier soir… Vous l’appelez N.… ce n’est pas le fils du célèbre N. ?

— Son propre fils, — répondit Delessov, ne comprenant pas en quoi cela pouvait intéresser Albert.