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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol5.djvu/208

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pas un mot de maman, si bien, qu’au commencement, cette indifférence me sembla étrange, même inconvenante, de la part d’un homme si proche. Mais après je compris que ce n’était pas de l’indifférence mais de la franchise, et je lui en étais reconnaissante. Le soir, Katia servit le thé, au salon, à la place d’autrefois, comme du temps de maman. Moi et Sonia nous étions assises de chaque côté d’elle ; le vieux Grigori lui apporta une pipe de papa qu’il avait retrouvée, et lui, comme autrefois, se mit à marcher de long en large dans la chambre.

— Quels terribles changements dans cette maison, quand on pense… — fit-il en s’arrêtant.

— Oui, — dit Katia avec un soupir, et, recouvrant le samovar, elle le regardait, déjà prête à pleurer.

— Je pense que vous vous rappelez votre père ? — me dit-il.

— Peu, — répondis-je.

— Comme ce serait bien maintenant… vous avec lui ; — prononça-t-il d’un ton doux et pensif, en regardant ma tête, au-dessus de mes yeux. — J’aimais beaucoup votre père, — ajouta-t-il plus bas. Et il me sembla que ses yeux devenaient encore plus brillants.

— Et tout d’un coup Dieu l’a pris, — prononça Katia. Et, posant la serviette sur la théière, elle tira son mouchoir et se prit à pleurer.

— Oui, que de tristes changements dans cette